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| Lignes de pierres dressées disposées au sommet d’un ancien mur submergé à proximité de l’île de Sein, en Bretagne, France. Crédit : Hal Open Science |
Sous la surface mouvante de l’océan, là où la lumière se fragmente et où le temps semble suspendu, des vestiges oubliés refont aujourd’hui surface par la science. Au large des côtes occidentales de la France, près de l’île de Sein en Bretagne, une structure monumentale, demeurée cachée pendant des millénaires, vient bouleverser notre compréhension des premières sociétés humaines installées sur les rivages atlantiques.
Une découverte submergée hors du commun
À près de neuf mètres sous le niveau actuel de la mer repose un mur ancien, long d’environ cent vingt mètres, accompagné d’une série d’ouvrages plus modestes mais tout aussi significatifs. Ces constructions, façonnées dans le granite, témoignent d’une occupation humaine remontant à une période comprise entre 5800 et 5300 avant notre ère, à une époque où le littoral breton ne ressemblait en rien à celui que nous connaissons aujourd’hui.
À ce moment de la préhistoire récente, le niveau marin était sensiblement plus bas. Les terres aujourd’hui immergées formaient alors des zones côtières actives, exploitées par des communautés humaines capables d’adapter leur environnement à leurs besoins économiques et symboliques.
De la cartographie scientifique à l’exploration humaine
L’existence de ces structures a été pressentie grâce à l’analyse minutieuse de relevés bathymétriques du plancher océanique, obtenus par des technologies de télédétection de haute précision. Ces données ont révélé des anomalies géométriques incompatibles avec des formations naturelles.
Ce n’est qu’après plusieurs campagnes de plongée, menées sur plusieurs années, que la nature artificielle de ces constructions a pu être confirmée. Malgré des conditions marines réputées difficiles — courants puissants, visibilité réduite, exposition aux tempêtes — l’état de conservation des blocs de pierre s’est révélé remarquable, défiant les attentes des archéologues.
Fonctions possibles : entre subsistance et protection
L’interprétation fonctionnelle de ces ouvrages ouvre un champ de réflexion passionnant. Certains chercheurs avancent l’hypothèse de pièges à poissons installés sur l’estran, exploitant les marées pour canaliser et capturer les ressources marines. D’autres envisagent des structures défensives ou des aménagements destinés à contenir ou anticiper la montée progressive des eaux, déjà perceptible à la fin du Néolithique ancien.
Quelle que soit leur fonction exacte, ces constructions révèlent une relation étroite et maîtrisée entre les sociétés humaines et leur milieu côtier, bien avant les grands bouleversements climatiques et marins ultérieurs.
Une prouesse technique avant l’âge des mégalithes
L’un des aspects les plus frappants de cette découverte réside dans les compétences techniques qu’elle implique. Extraire, transporter et ériger des blocs de granite pesant plusieurs tonnes suppose une organisation collective avancée, une planification rigoureuse et une connaissance approfondie des matériaux.
Ces pierres, par leur masse et leur mise en œuvre, rappellent celles des célèbres monuments mégalithiques bretons. Pourtant, elles leur seraient antérieures de plusieurs siècles. Cette chronologie invite à repenser l’émergence des savoir-faire architecturaux monumentaux en Europe occidentale et suggère que les racines du mégalithisme sont plus anciennes et plus complexes qu’on ne le supposait jusqu’ici.
Vers une nouvelle archéologie des paysages engloutis
Au-delà de la découverte elle-même, ces structures sous-marines ouvrent une perspective nouvelle sur l’archéologie des zones côtières disparues. Elles rappellent que d’immenses portions des territoires fréquentés par les premières communautés humaines ont été englouties par la mer, emportant avec elles une part essentielle de notre histoire.
L’exploration systématique de ces paysages submergés pourrait, à l’avenir, révéler d’autres traces d’habitats, de routes maritimes primitives ou de sites rituels, transformant profondément notre vision des débuts de la sédentarisation et de l’ingénierie humaine.
Conclusion : la mémoire de la pierre et de la mer
Ces pierres silencieuses, dressées puis englouties, racontent une histoire de résilience, d’ingéniosité et d’adaptation. Elles rappellent que bien avant l’écriture, les sociétés humaines savaient déjà dialoguer avec les éléments, modeler leur environnement et laisser une empreinte durable — même sous les flots.
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