L’île de Pâques dévastée par des rats — et non par ses habitants ?

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Crédits : Archéo Actus.

Longtemps, les chercheurs ont attribué la disparition quasi totale des forêts de Rapa Nui — plus connue sous le nom d’île de Pâques — à la surexploitation humaine. Or, de récentes recherches menées par les professeurs Terry Hunt (Université d’Arizona) et Carl Lipo (Université de Birmingham) apportent une lecture bien différente de cette catastrophe écologique : les véritables agents du déclin forestier pourraient avoir été… les rats polynésiens (Rattus exulans).

Une invasion silencieuse

Selon leurs travaux, l’arrivée d’un simple couple de rats aurait suffi à bouleverser l’écosystème insulaire. En moins d’un demi-siècle, leur descendance aurait pu atteindre plus de onze millions d’individus, dévastant jusqu’à 95 % des graines de palmiers avant qu’elles ne puissent germer.

Avant cette invasion, Rapa Nui abritait entre 15 et 20 millions de palmiers du genre Paschalococos disperta. Mais dès le XVIe siècle, l’île était presque entièrement déboisée, ne conservant que quelques arbres isolés à l’époque où les Européens y abordèrent en 1722.

La fragilité d’un équilibre perdu

Le palmier de Rapa Nui, proche du Jubaea chilensis, produisait de grosses graines riches en huiles et en glucides — un mets énergétique idéal pour les rats. Leur stratégie reproductive, consistant à produire peu de graines mais très nutritives, les rendait d’autant plus vulnérables. Une fois les semences rongées ou stockées par les rongeurs, aucune régénération n’était possible.

Le parallèle des îles voisines

Des comparaisons écologiques renforcent cette hypothèse. À Hawaï, par exemple, l’introduction du rat polynésien a coïncidé avec l’effondrement des populations de palmiers Pritchardia bien avant l’arrivée des humains. À l’inverse, sur les îles de Nihoa et Huelo, où les rats ne furent jamais introduits, les palmeraies prospèrent encore aujourd’hui malgré des siècles d’activités humaines.

Le modèle d’un écocide naturel

Les simulations écologiques menées par Hunt et Lipo montrent que, combiné aux feux de défrichement pratiqués par les premiers habitants, l’effet destructeur des rats aurait conduit à un effondrement total de la forêt insulaire vers l’an 1600. En quelques décennies, les rongeurs auraient colonisé chaque recoin de l’île, empêchant toute régénération des arbres.

Les fouilles archéologiques du site d’Anakena révèlent par ailleurs un phénomène typique de “boom and bust” : après une explosion démographique initiale, la population de rats s’effondra d’environ 93 %, faute de nourriture.

Endocarpe de graine de palmier de Rapa Nui rongé par un rat. Crédit : Musée Sebastian Englert, d’après Hunt et Lipo (2025).

Une leçon pour notre époque

Loin d’être un récit d’autodestruction humaine, cette étude redéfinit Rapa Nui comme une histoire d’adaptation. Les habitants auraient transformé un paysage naturel en un environnement agricole afin de survivre, tandis que les rats, en véritables envahisseurs opportunistes, précipitaient la disparition des palmiers.

Cette réévaluation rappelle que les invasions biologiques peuvent, à elles seules, remodeler des écosystèmes entiers — une leçon d’une actualité brûlante à l’heure où la biodiversité mondiale subit de nouvelles pressions.

En résumé

Rapa Nui ne fut pas uniquement victime de la main de l’homme : la nature, aidée par l’accident d’une espèce invasive, a écrit l’un des chapitres les plus poignants de l’archéologie environnementale.

Sources : ScienceDirect

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