Yersinia pestis confirmée : la preuve génétique qui change l’Histoire

© I. Catteddu, Inrap, 1993

Une découverte au cœur de la Méditerranée orientale

Pour la première fois, des chercheurs ont identifié de manière directe l’agent pathogène responsable de la première pandémie documentée de l’histoire : la Peste de Justinien (541–750 apr. J.-C.). Grâce à l’analyse génétique de restes humains mis au jour à Jérash, ancienne cité romaine située en Jordanie, l’équipe a confirmé la présence de Yersinia pestis, la bactérie de la peste, dans une fosse commune datant du VIᵉ siècle.

La confirmation d’un mystère historique

Depuis des siècles, historiens et scientifiques s’interrogeaient sur l’origine de cette épidémie fulgurante qui décima des millions de vies, bouleversa l’Empire byzantin et marqua durablement le cours de la civilisation européenne. Jusqu’à présent, seule une série d’indices indirects soutenait l’hypothèse de la peste. L’absence de preuve biologique constituait un chaînon manquant. Cette lacune vient désormais d’être comblée : le séquençage d’ADN extrait de dents humaines exhumées sous l’ancien hippodrome romain de Jérash atteste sans équivoque la présence de l’agent infectieux au cœur même de l’Empire.

Un instantané de la catastrophe

L’étude démontre que les victimes partageaient des souches quasiment identiques de Y. pestis, ce qui révèle une propagation rapide et homogène de la maladie, fidèle aux récits antiques décrivant une hécatombe soudaine. Ce site archéologique fournit ainsi un témoignage unique : un lieu autrefois consacré aux jeux et aux rassemblements populaires fut transformé en sépulture de masse, illustrant l’impuissance des cités byzantines face au désastre sanitaire.

Résonances contemporaines

Au-delà de la dimension historique, ces travaux rappellent que la peste n’appartient pas uniquement au passé. Bien que rare, Y. pestis circule encore aujourd’hui dans certaines régions du globe, provoquant sporadiquement des cas mortels. Cette permanence souligne un fait crucial : les pandémies ne sont pas des accidents isolés, mais des phénomènes récurrents, liés aux interactions humaines, aux échanges commerciaux et aux bouleversements environnementaux.

Vers une nouvelle compréhension des pandémies

Une seconde étude complète ces résultats en retraçant l’évolution de la bactérie au fil des siècles. Contrairement à l’idée d’une lignée unique, il apparaît que chaque grande épidémie – de la Peste de Justinien à la Peste Noire et jusqu’aux foyers modernes – provient de réservoirs animaux distincts, ressurgissant de manière indépendante à différentes époques. Ce schéma contraste fortement avec la pandémie de COVID-19, issue d’un événement unique de transmission interespèces.

Une mémoire collective et scientifique

Ces recherches révèlent non seulement la dynamique biologique des pandémies, mais elles résonnent aussi comme un hommage aux victimes. Les restes humains étudiés deviennent les témoins silencieux d’une histoire commune, dont la science contemporaine ravive la voix. Le projet se poursuit désormais en Italie, sur l’île du Lazaretto Vecchio à Venise, l’un des plus vastes sites funéraires liés à la peste, offrant la possibilité d’explorer encore davantage l’interaction entre urbanisme, santé publique et pathogènes.

Sources : mdpi.com

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