Quand Néandertal peignait les ténèbres : l’autre histoire de l’art

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Crédits : Archéo Actus.

Une redéfinition de l’humanité ancienne

Pendant longtemps, la faculté de produire de l’art fut considérée comme un privilège propre à Homo sapiens. Il y a à peine un siècle, nombre de préhistoriens doutaient encore que nos ancêtres du Paléolithique supérieur — entre 45 000 et 12 000 ans avant notre ère — aient pu concevoir des œuvres d’une telle sophistication.

Les découvertes spectaculaires dans les grottes d’Europe, ornées de fresques animales et de symboles, dissipèrent ces doutes. Mais qu’en est-il de nos « cousins » disparus, les Néandertaliens, cette humanité robuste et cérébrale qui partagea avec nous une partie de son histoire évolutive ?

Aujourd’hui, la science affirme sans ambiguïté qu’ils furent, eux aussi, créateurs.

Crédit : Unsplash / Domaine public (CC0)

Un art sans figures, mais plein d’intentions

Contrairement à Homo sapiens, les Néandertaliens n’ont laissé aucune représentation figurative : ni bison, ni cheval, ni silhouette humaine. Leur expression artistique se manifeste sous une autre forme — empreintes de mains, tracés digitaux sur des parois argileuses, signes géométriques ou motifs abstraits.

Ces gestes, loin d’être anodins, témoignent d’une intention symbolique, d’un rapport sensible à la matière et à l’espace.

Des créateurs des profondeurs

Les Néandertaliens occupèrent l’Europe occidentale et une partie de l’Eurasie durant près de 360 000 ans, avant de s’éteindre il y a environ 40 000 ans. Longtemps caricaturés en « hommes des cavernes » primitifs, ils révèlent aujourd’hui une complexité cognitive insoupçonnée.

Les recherches récentes prouvent qu’ils s’aventuraient dans les grottes les plus obscures pour y laisser la trace de leur passage. En Espagne, dans les grottes de La Pasiega (Cantabrie), Maltravieso (Estrémadure) et Ardales (Andalousie), des peintures rouges — points, lignes et mains en pochoir — ont été datées d’au moins 64 000 ans, bien avant l’arrivée des humains modernes sur la péninsule Ibérique.

En France, dans la grotte de La Roche-Cotard (vallée de la Loire), des sillons tracés du bout des doigts dans la glaise forment des motifs sinueux et ordonnés, tandis que dans la grotte de Bruniquel (sud-ouest), des structures circulaires faites de fragments de stalactites évoquent presque une installation artistique contemporaine.

L’art de dater l’art

Déterminer l’âge réel de ces œuvres demeure un défi. Trois approches principales permettent d’y parvenir :

  1. La datation au radiocarbone, efficace seulement pour les pigments charbonneux, mais inapplicable lorsque les peintures sont à base de minéraux comme le manganèse.

  2. La datation par les dépôts de calcite, grâce à la mesure du rapport uranium/thorium, fournissant un âge minimal pour l’art sous-jacent.

  3. L’étude des sédiments et des formations naturelles qui scellent les entrées des grottes, attestant que certaines furent fermées bien avant l’apparition de Homo sapiens en Europe.

C’est par ces méthodes croisées que les chercheurs ont pu démontrer que les empreintes et les motifs néandertaliens précèdent de plus de 20 000 ans toute présence humaine moderne dans ces régions.

Les premiers signes d’un monde intérieur

Ces gestes gravés dans la pierre ne relèvent pas du simple instinct. Ils traduisent une conscience esthétique, une volonté de communiquer, peut-être même une ébauche de pensée symbolique. Les Néandertaliens auraient ainsi exploré, pour la première fois, les frontières entre le réel et l’imaginaire.

Chaque nouvelle découverte éclaire un peu plus cette humanité ancienne, ni sauvage ni muette, mais sensible, réfléchie, et profondément créatrice.

Vers une redéfinition de l’art préhistorique

Ces traces, silencieuses et durables, nous invitent à repenser ce que signifie créer. Peut-être l’art ne fut-il pas l’apanage de notre espèce, mais une lueur partagée entre plusieurs humanités.
Et dans les ténèbres des cavernes, sous la lumière tremblante des torches, les Néandertaliens auraient, eux aussi, trouvé le moyen d’exprimer leur monde intérieur.

Sources : Conversation

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