Çatalhöyük : Quand les Femmes Fondèrent la Première Cité du Monde

Crédit image : Wolfgang Sauber – CC BY-SA 4.0

Une cité néolithique hors du commun

Sur les rives du plateau de Konya, en Anatolie centrale, s’élevait il y a plus de neuf millénaires une communauté humaine étonnante, que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de Çatalhöyük. Occupée de manière continue entre 7100 et 5700 avant notre ère, cette vaste agglomération constitue l’un des exemples les plus anciens d’organisation urbaine complexe. Composée de structures d’habitation serrées les unes contre les autres, érigées sur des buttes de limon, elle marque un tournant dans le passage de sociétés nomades vers des modes de vie sédentaires.

Une société égalitaire, puis féminine

À l’origine, la population de Çatalhöyük vivait selon des principes d’égalité, où chacun – quel que soit son sexe ou son âge – avait un rôle au sein du foyer et de la communauté. Toutefois, une étude récente menée par une équipe internationale de chercheurs, notamment des universités d’Ankara et de Poznań, bouscule notre vision habituelle de ces premières civilisations.

En analysant l’ADN extrait de 131 génomes provenant de plus de 400 squelettes enterrés sous les habitations, les scientifiques ont mis en lumière une évolution notable des structures familiales au fil du temps. Si, aux débuts de l’occupation, les défunts d’un même foyer étaient liés biologiquement, cette logique s’estompe peu à peu, les habitations réunissant par la suite des individus sans lien de parenté directe. Malgré cela, tous partageaient un même régime alimentaire, signe d’une cohabitation harmonieuse, fondée sur des pratiques d’adoption ou d’accueil communautaire.

Le pouvoir au féminin

Mais l’aspect le plus saisissant de ces découvertes réside dans la transmission du patrimoine génétique : les lignées féminines prédominent nettement. Contrairement à de nombreux autres sites néolithiques européens où la patrilinéarité domine, à Çatalhöyük, ce sont les femmes qui restaient dans la maison natale, tandis que les hommes en partaient. Ce système de résidence matrilocale suggère une autorité féminine marquée sur les sphères domestiques, sociales et symboliques.

Les sépultures renforcent encore cette hypothèse. Les tombes de jeunes filles, souvent très jeunes, regorgent d’objets funéraires d’une richesse remarquable : perles ouvragées, outils délicats, poteries raffinées... jusqu’à cinq fois plus nombreuses que dans les tombes masculines. Ces éléments témoignent d’un statut élevé accordé aux femmes dès l’enfance.

Une fin marquée par les rituels et les femmes

Vers la fin de son occupation, alors que la population atteignait environ un millier d’individus, Çatalhöyük connaît une intensification de ses pratiques rituelles. On y observe un foisonnement de peintures murales narratives et un traitement symbolique accru des animaux, notamment des bovins. Selon le professeur Arkadiusz Marciniak, ces évolutions correspondent aussi à une affirmation encore plus marquée de l’influence féminine au sein de la société.

Héritage oublié d’une civilisation gynocentrée

Cette cité proto-urbaine remet en question la vision patriarcale souvent attribuée aux premières sociétés agricoles. Çatalhöyük offre le visage d’une culture fondée sur l’équité, la coopération, et possiblement, une autorité sociale et rituelle portée par les femmes. Un modèle oublié de notre passé, aujourd’hui redécouvert à la lumière des sciences génétiques.

Sources : PAP

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