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Une découverte anthropologique révélatrice
Une étude interdisciplinaire menée par l’Université Autonome de Barcelone (UAB) révèle que des femmes vivant dans la région de Nubie — correspondant aujourd’hui au Soudan — avaient, il y a plus de 3 500 ans, développé des adaptations osseuses spécifiques liées au port de lourdes charges sur la tête. Ces pratiques, largement absentes des récits historiques, illustrent une réalité quotidienne féminine aussi commune que silencieuse dans les archives écrites.
Quand l’archéologie éclaire l’invisible
Publiée dans le Journal of Anthropological Archaeology, cette recherche met en lumière une division sexuée du travail profondément ancrée dans les sociétés de l’Âge du bronze. À une époque dominée par la culture Kerma (2500–1500 av. J.-C.), les femmes nubiennes transportaient chaque jour des objets volumineux — parfois même des enfants — à l’aide de tumplines, des courroies frontales redistribuant le poids jusqu’à l’arrière du crâne.
Un corps façonné par l’effort
Les chercheurs, dirigés par Jared Carballo (UAB, Université de Leyde) et Uroš Matić (Université d’Essen), ont examiné 30 squelettes (14 femmes et 16 hommes) mis au jour sur le site funéraire d’Abu Fatima, non loin de Kerma, ancienne capitale du royaume de Koush. L’analyse a révélé une différence marquée entre les sexes : tandis que les hommes présentaient des traces d’usure au niveau des épaules et des bras (liées au port sur l’épaule), les femmes montraient des altérations caractéristiques au niveau des vertèbres cervicales et du crâne, directement attribuables à l’usage prolongé des tumplines.
Le cas singulier de l’individu 8A2
Parmi les découvertes les plus significatives, celle d’une femme identifiée sous le nom de "8A2", décédée à un âge avancé (plus de 50 ans), se distingue. Inhumée avec des objets de prestige — éventail en plumes d’autruche, coussin en cuir — elle présente une déformation notable à l’arrière du crâne et des signes sévères d’arthrose cervicale. L’analyse biochimique de son émail dentaire indique qu’elle était née loin de ce territoire, faisant d’elle une migrante. Sa vie, marquée par le port de charges dans un environnement rural du Nil, incarne une histoire de résilience, de maternité et d’effort ignoré.
Un corps comme archive sociale
Selon Jared Carballo, « cette manière de vivre, aussi courante qu’oubliée, montre que les femmes ont littéralement porté le poids de la société sur leur tête ». L’étude s’inscrit dans une approche croissante de l’anthropologie qui voit le corps humain comme un palimpseste biologique des expériences vécues. Ainsi, les modifications osseuses ne sont pas seulement les traces de l’âge, mais bien des marqueurs tangibles des rôles sociaux et des pratiques genrées.
Quand le geste devient mémoire
Les concepts de « techniques du corps » et de « performativité de genre » permettent d’interpréter ces transformations anatomiques comme des conséquences directes de gestes répétés, souvent hérités, et socialement codifiés. Ces pratiques, encore visibles aujourd’hui dans de nombreuses communautés rurales d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, sont la preuve vivante d’une continuité millénaire.
Une mémoire féminine gravée dans l’os
Le site d’Abu Fatima offre ainsi une fenêtre précieuse sur la réalité quotidienne des femmes dans l’Antiquité africaine. Il interroge la manière dont l’histoire continue de marginaliser ces expériences fondamentales, malgré leur impact durable sur les corps et les sociétés.
Sources : Université de Barcelone
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