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Tête provenant d’une statue osiriaque (MMA 31.3.153), partiellement restaurée avec du plâtre — 478 mm (hauteur) × 381 mm (largeur) × 473 cm (profondeur). Crédit : The Metropolitan Museum of Art. |
Une reine au destin contrarié
Parmi les figures les plus marquantes de l’histoire pharaonique, Hatshepsout incarne l’audace politique et la puissance féminine dans un monde dominé par les hommes. Toutefois, sa mémoire fut longtemps ternie par ce que l’on considérait comme une entreprise systématique d’effacement, orchestrée après sa mort, notamment par son successeur et neveu, Thoutmôsis III.
Au cours des années 1920, les fouilles archéologiques menées à Deir el-Bahari, à Thèbes (aujourd’hui Louxor), mirent au jour une multitude de statues brisées de cette souveraine. La violence de ces dommages fut interprétée comme une forme de damnatio memoriae, une volonté délibérée d’anéantir son souvenir.
Une nouvelle lecture archéologique
Cependant, les récentes recherches menées par Jun Yi Wong, chercheur à l’Université de Toronto, bouleversent cette lecture traditionnelle. En se fondant sur l’examen méticuleux de documents inédits issus des campagnes de fouilles de 1922 à 1928 — notamment des notes de terrain, croquis, correspondances et clichés photographiques — Wong propose une réinterprétation radicale de cette destruction apparente.
Selon ses analyses, une grande partie des statues de la reine n’a pas été réduite en miettes par haine ou vengeance. Au contraire, certaines d’entre elles ont été retrouvées presque intactes, leurs visages conservés avec une étonnante précision, comme en témoigne une statue agenouillée (MMA 23.3.1) dont les traits sont demeurés intacts à travers les siècles.
L’art de « désactiver » les statues
Plutôt que de voir dans ces fractures une violence iconoclaste, Wong met en lumière une pratique bien connue des égyptologues : la désactivation rituelle des représentations royales. Ce processus consistait à fragmenter les statues à des points de faiblesse structurelle — cou, taille, genoux — afin de neutraliser leur puissance symbolique dans l’au-delà. Une opération observée sur des représentations de nombreux pharaons, et qui ne visait pas nécessairement à marquer l’opprobre.
De surcroît, plusieurs pièces auraient été endommagées non pas à l’époque de Thoutmôsis III, mais bien plus tard, lorsqu’elles furent récupérées à des fins utilitaires ou réemployées comme matériaux de construction.
Une réhabilitation posthume ?
Si l’on ne peut totalement exclure l’existence d’une campagne politique visant à marginaliser Hatshepsout, notamment au travers de l’effacement de son nom ou de son image dans certains contextes, cette étude suggère que la reine aurait été traitée dans la mort de manière comparable à ses prédécesseurs. Une approche plus nuancée s’impose donc, où les motivations rituelles et pragmatiques se mêlent aux tensions politiques de l’époque.
« Contrairement à la vision dominante, la destruction des statues de Hatshepsout ne relève pas uniquement d’un acte vengeur », conclut Wong. « Les preuves archéologiques plaident en faveur d’un traitement codifié, inscrit dans les pratiques religieuses et culturelles de l’Égypte ancienne. »
Une nouvelle mémoire pour une ancienne souveraine
Ainsi, la figure d’Hatshepsout se redessine au prisme d’une analyse plus fine, où l’on redécouvre une reine respectée, sinon célébrée, même après sa mort. Le récit de sa prétendue damnation s’efface peu à peu, au profit d’une compréhension plus riche de son héritage et de sa place dans la dynastie des pharaons.
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