L’ingéniosité méconnue des Néandertaliens révélée par l’art de la taille lithique


Vers une redéfinition des capacités cognitives préhistoriques

Des chercheurs de l’Université de Wollongong ont récemment mis en lumière, à travers une étude expérimentale rigoureuse, l’impact décisif de l’angle de percussion sur la forme et la trajectoire de fracture des éclats lithiques produits par les Néandertaliens au Paléolithique moyen. Publiée dans Archaeological and Anthropological Sciences, cette découverte remet en question un modèle largement accepté qui attribuait la morphologie des éclats principalement à la géométrie du nucleus et à la rigidité du matériau, minimisant le rôle actif du tailleur.

La méthode Levallois : entre rigueur technique et anticipation cognitive

Datant de 200 000 à 400 000 ans, la méthode Levallois constitue l’un des témoins les plus éloquents de l’intelligence technique des Néandertaliens. Cette approche repose sur une préparation minutieuse du nucleus afin d’extraire des éclats de dimensions et de formes prédéterminées. La régularité de cette production a conduit certains spécialistes à supposer l’existence d’une transmission culturelle structurée, voire de compétences langagières et pédagogiques précoces.

Les éclats Levallois se distinguent par des schémas de réduction ordonnés, révélateurs d’aptitudes cognitives élevées, incluant la planification, la mémoire à long terme et une coordination motrice raffinée.

Une expérimentation scientifique aux résultats déterminants

Dans leur étude intitulée Controlling Levallois, les chercheurs ont utilisé des répliques de nucleus en verre sodocalcique — matériau homogène dont la fracture conchoïdale imite fidèlement celle des pierres taillées archéologiques — produits grâce à une fraiseuse à commande numérique. Chaque nucleus a été fixé sur un support imprimé en 3D, puis frappé à l’aide d’un marteau en acier biseauté actionné par un système pneumatique.

Trois angles de percussion ont été testés (0°, 10° et 20°), en maintenant constants la profondeur de la plateforme et la force de frappe. Chaque éclat a ensuite été soumis à une analyse morphométrique détaillée : poids, dimensions, angle de trajectoire, force de détachement, et profil fracturaire via des techniques de scan 3D et de modélisation linéaire.

Résultats : l’angle fait la forme

Les éclats issus d’un angle de percussion faible (0°) se sont révélés plus longs, plus massifs et plus épais que ceux produits sous des angles plus inclinés. À mesure que l’angle augmentait, les éclats devenaient plus petits, plus fins, et plus étroits, avec une sortie de fracture anticipée, réduisant leur longueur. À l’inverse, une frappe plus perpendiculaire permettait une propagation plus profonde de la fracture, exploitant davantage les convexités préparées du nucleus.

Ces données contredisent frontalement les prédictions des modèles antérieurs qui ne prenaient pas en compte l’incidence de l’angle de frappe sur la morphologie des éclats. Elles démontrent que le tailleur néandertalien, loin d’être un simple exécutant mécanique, exerçait une maîtrise technique fine, ajustant son geste en fonction des résultats escomptés.

Un art technique révélateur d’intelligence pratique

L’ajustement volontaire de l’angle de frappe implique des compétences bien plus complexes que la simple préparation du nucleus. Il exige une coordination physique précise, une capacité à évaluer le risque, et une modulation consciente de la force appliquée. Cette flexibilité comportementale témoigne d’une intelligence incarnée dans l’action, élargissant notre conception des facultés cognitives des hominidés du Paléolithique.

Conclusion : une redéfinition du savoir-faire néandertalien

Les Néandertaliens apparaissent ici non plus comme des imitateurs ou des artisans instinctifs, mais comme des praticiens chevronnés, capables d’exercer une stratégie de fabrication fondée sur l’observation, l’apprentissage et l’adaptation en temps réel. L’étude révèle ainsi une facette encore trop peu explorée de leur répertoire comportemental : celle d’une technicité raisonnée, fruit d’une conscience aiguë du geste et de ses conséquences matérielles.

Sources : springer.com

#ArchéologieCognitive #Néandertal #Préhistoire #TechnologieLithique #Levallois #ScienceEtHistoire #Hominidés #Anthropologie #InnovationPréhistorique #IntelligenceHumaine #ExpérimentationScientifique #Paléolithique #ArchéologieExpérimentale

Commentaires